Retour sur le 5 novembre 1954, le jour où la dissolution du MTLD a fait basculer la lutte pour l’indépendance

Retour sur le 5 novembre 1954, le jour où la dissolution du MTLD a fait basculer la lutte pour l’indépendance

Le 5 novembre 1954 reste une date décisive dans l’histoire de l’Algérie. Alors que le pays vient tout juste d’entrer dans la guerre d’indépendance, les autorités françaises prononcent la dissolution du principal parti nationaliste, le MTLD de Messali Hadj.

Ce geste, loin d’apaiser les tensions, va au contraire précipiter un tournant historique : celui du passage de la lutte politique à la lutte armée.

Une date charnière dans l’histoire du nationalisme algérien

Le 5 novembre 1954 marque un basculement majeur dans l’histoire de l’Algérie. Ce jour-là, les autorités françaises décident de dissoudre le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD), principal parti nationaliste dirigé par Messali Hadj.

Ce mouvement, héritier du Parti du Peuple Algérien (PPA), incarnait depuis des années l’espoir d’une indépendance obtenue par des moyens politiques et pacifiques.

Mais cette dissolution, prononcée seulement quelques jours après le déclenchement des attaques du 1er novembre 1954 par le Front de Libération Nationale (FLN), symbolise la fin d’une époque : celle où la négociation semblait encore possible.

Du MTLD au FLN : la métamorphose d’un combat

Le MTLD, miné depuis des années par des divisions internes entre messalistes et centralistes, voyait son influence décliner. Pour de nombreux jeunes militants impatients, la dissolution du parti a sonné comme une ultime trahison du système colonial : la parole politique était désormais étouffée.

Quand on a appris que le parti était interdit, on a compris qu’on n’aurait plus jamais la parole. Certains d’entre nous ont pris le maquis le lendemain. Ce n’était plus de la politique, c’était une question de dignité.
Belaïd, 24 ans, ancien militant du MTLD

Ces jeunes, convaincus que seule la force pouvait faire entendre la voix du peuple, rejoignent alors les rangs du Front de Libération Nationale, né dans la clandestinité.

A lire aussi :  Retour sur le 9 novembre 1956 en Algérie, un jour de durcissement de la répression contre les soutiens au FLN

Dans la nuit du 1er novembre 1954, le FLN frappe : attaques coordonnées dans les Aurès, en Kabylie, dans le Constantinois et à Alger.

Des commissariats, des dépôts militaires, des lignes téléphoniques et des bâtiments publics deviennent les premières cibles d’une guerre qui allait durer près de huit ans.

Parmi les premières victimes de cette nuit dite de la Toussaint rouge, se trouvent un couple d’instituteurs français, Guy et Jacqueline Monnerot, ainsi que le caïd Hadj Sadok, tué dans les gorges de Tighanimine.

Ce drame, largement relayé en métropole, ancre l’idée d’une rébellion violente, justifiant une réponse implacable de Paris.

La riposte française : « L’Algérie, c’est la France »

Face à ces événements, la réaction politique française ne tarde pas. Le ministre de l’Intérieur, François Mitterrand, déclare sans détour :

L’Algérie, c’est la France… Et qui d’entre vous hésiterait à employer tous les moyens pour préserver la France ?

Ces mots marquent la fermeté d’une position qui va structurer la politique française pendant les premières années du conflit. Le président du Conseil, Pierre Mendès France, réaffirme quelques jours plus tard à l’Assemblée nationale la ligne officielle : aucune concession, aucune négociation.

À la volonté criminelle de quelques hommes doit répondre une répression sans faiblesse. (…) L’Algérie fait partie de la République, et jamais la France ne cédera sur ce principe fondamental.

Derrière cette rhétorique, un engrenage irréversible se met en place : d’un côté, un peuple qui se lève pour son indépendance ; de l’autre, un pouvoir déterminé à défendre son empire colonial. La dissolution du MTLD, censée freiner l’élan nationaliste, aura au contraire accéléré l’histoire.

Mehdi Moussaïd

Écrit par Mehdi Moussaïd

Journaliste indépendant spécialisé dans l’économie, l’énergie et le développement industriel en Algérie. Les articles de Mehdi explorent les grandes tendances économiques, les stratégies des entreprises publiques et privées, ainsi que les enjeux liés aux transports, à l’innovation et à la transition énergétique.